Repousser les limites
du photovoltaïque

Frédéric Sauvage, directeur de recherche CNRS, fait partie des 100 lauréats du Palmarès des inventeurs 2025 du journal Le Point, publié en février. Composé par un jury d’experts issu des milieux académiques, associatifs et entrepreneuriaux, ce palmarès vise à mettre en lumière les « personnalités françaises porteuses d’une innovation susceptible de changer la vie de millions de personnes. » Le chercheur y figure notamment pour la création de sa start-up G-Lyte, qui développe des panneaux photovoltaïques capables de convertir la lumière artificielle en électricité.

© Haslin Frédéric

Après un début de carrière dans le domaine des batteries au CNRS à Amiens puis à l’Université de Northwestern aux Etats-Unis, Frédéric Sauvage s’est rapidement tourné vers un nouveau thème qui le passionne, le photovoltaïque, en rejoignant l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. En 2010, il rejoindra le Laboratoire de Réactivité et de Chimie des Solides (LRCS – CNRS/Université Picardie Jules Verne) d’Amiens pour créer une nouvelle activité autour de la conversion de l’énergie solaire, au sein duquel il continue de mener ses recherches aujourd’hui.

Il se concentre sur le développement de nouveaux concepts (PV transparent et incolore, PV indoor et batteries photo-rechargeables), dans l’étude des mécanismes de dégradation des cellules photovoltaïques couches minces et enfin sur la photocatalyse en lien avec la production d’hydrogène vert à partir de la biomasse et des sucres.

G-Lyte

En 2014, il imagine la start-up G-Lyte, qu’il cofonde cinq ans plus tard et dans laquelle il occupe le poste de directeur technique et scientifique. L’objectif chez G-Lyte est le développement et l’industrialisation de systèmes photovoltaïques (PV) permettant de convertir la lumière artificielle à l’intérieur des bâtiments, avec un rendement de conversion dépassant les 30%. Bien que la puissance de la lumière intérieure est 1000 à 10 000 fois plus faible que celle des rayons du soleil, elle est suffisante pour remplacer les piles présentes dans les petits objets électroniques et connectés du quotidien. Télécommandes de télévision, périphériques d’ordinateur, capteurs de température ou d’humidité… De nombreux objets domestiques, alimentés par piles ou câbles USB-C, pourraient profiter de la technologie G-Lyte.

© G-Lyte

Dans le domaine industriel, on peut imaginer alimenter de cette manière les milliers d’étiquettes connectées présentes dans chaque supermarché. En plus d’une réduction de l’impact environnemental, l’utilisation de ces cellules PV impliquent également une réduction des coûts de maintenance ou de remplacement. En effet, on diminue la fréquence de remplacement des batteries en passant d’une durée de vie d’un an pour les piles à plus de 15 ans pour la cellule G-Lyte.

Sa construction nécessite moins de matériaux actifs qu’une pile alcaline (zinc, manganèse…) et pour un coût pouvant être inférieur à un euro. En discussion avec de nombreux acteurs du marché, G-Lyte passera prochainement à une autre échelle avec une capacité de production qui va augmenter graduellement pour arriver à une capacité de production de 25 millions de cellules par an.

« Avec les autres acteurs scientifiques dans ce domaine, on va vraiment révolutionner la manière dont on utilise les piles et les batteries », s’enthousiasme Frédéric Sauvage. Avec l’essor des véhicules électriques, le marché de la batterie connaîtra une tension supplémentaire, et profiterait donc largement d’un allègement de l’usage des piles dans les petits appareils électroniques.

Crystal Energy 

En 2024, Frédéric Sauvage a fondé une seconde start-up, CRYSTAL Energy, permettant d’accélérer sur le transfert technologique et développements industriels du vitrage « électrogène ». Plusieurs années de recherche ont été nécessaires pour inventer un verre produisant de l’électricité grâce à des absorbeurs invisibles pour l’œil humain. Cette technologie repose sur l’absorption sélective de la partie invisible du spectre solaire (près de la moitié des rayonnements), et de laisser passer la lumière du visible sans perturbation. En d’autres termes, cette innovation permet la création d’un panneau photovoltaïque transparent et incolore.

« Tout ce qui est en verre autour de nous pourra demain produire de l’électricité », expose Frédéric Sauvage. En effet, les applications du verre électrogène vont du vitrage de bâtiment aux véhicules électriques, en passant par le mobilier urbain. A plus petite échelle, on peut même imaginer un écran d’ordinateur rétroéclairé qui récupère l’énergie produite par sa propre lumière ou les cadrans de montre connectée alimentée par le verre électrogène.

Cette technologie en est encore à l’étape du passage à l’échelle industrielle. Une première levée de fond a été réalisée pour réaliser des premiers prototypes de vitrages électrogènes et une seconde levée est en préparation pour accélérer le développement industriel de cette innovation prometteuse. Les premiers prototypes intégrés en environnement réel devraient voir le jour dès 2028.

ERC et PEPR

Aujourd’hui, Frédéric Sauvage partage son temps entre la recherche fondamentale, le développement de nouveaux concepts et le transfert de ses technologies. Fruit de ses recherches fructueuses sur des aspects très fondamentaux, le chercheur est également récipiendaire d’une ERC Advanced Grant, grâce à laquelle il pourra poursuivre ses travaux expérimentaux. Dans le cadre de cette bourse européenne, ses recherches visent à comprendre comment la matière vie lorsque la lumière est absorbée et à étudier plus en détail les mécanismes de dégradation des pérovskites, matériau présent dans la couche active des panneaux PV de nouvelle génération.

© Droits réservés

Frédéric Sauvage participe aussi activement au PEPR TASE sur les systèmes énergétiques et énergies renouvelables. Au sein de ce programme de recherche intégré dans la stratégie nationale France 2030, il exerce les fonctions de co-directeur scientifique du projet Smart4Module, qui vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie du photovoltaïque et pilote une des tâches du projet Minotaure, projet étudiant la fiabilité et la durabilité des nouvelles technologies de cellules photovoltaïques. Travailler au sein d’un programme national présente pour lui de nombreux avantages : « L’enrichissement scientifique passe par l’échange », estime le chercheur. « Ce n’est pas en restant isolé que l’on peut développer des projets ambitieux. »

En plus d’une qualité d’échanges structurants à l’échelle nationale, le réseau du PEPR permet un partage des résultats entre projets scientifiques et offre un levier intéressant pour développer de nouvelles briques innovantes et des brevets, avec un potentiel très fort de transfert, de la recherche à la société.

Frédéric Sauvage est le prochain invité du Club CNRS Entreprises, pour leur rendez-vous décryptage sur le thème « Photovoltaïque de troisième génération : entre défis scientifiques et nouvelles intégrations ».

Cet évènement se déroulera début avril à Paris. Pour plus d’informations, contactez directement clubcnrsentreprises@cnrs.fr


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